La question de la survie de l’open space à l’ère de l’après Covid-19 est un sujet à la mode en ce début d’été avec de nombreux articles parus récemment, annonçant la fin de « l’état de grâce » = (si tant est qu’on ait pu parler d’état de grâce auparavant, bien sûr… et quand bien même celui-ci faisait déjà l’objet de nombreuses critiques bien avant la crise). Le confinement aura cependant apporté de l’eau au moulin des détracteurs de l’open space, ravivant les critiques, tout en ralliant à sa cause de nouveaux “contempteurs”, qu’ils soient néo-télétravailleurs ou managers d’entreprise… Pourtant, avec le retour progressif dans les bureaux, chacun réalise qu’il y a toujours une vie possible dans ces espaces de travail, et ce malgré les contraintes sanitaires. Simplement une question de nouvelles habitudes à prendre. Et si la menace (bien réelle) qui pèse sur l’open space au mitan de l’an 2000 s’explique aussi par d’autres raisons, des signes de persistance existent malgré tout…
L’instauration de bonnes pratiques dans l’open space n’est pas (trop) problématique
Avec le déconfinement, les guides de bonnes pratiques (par exemple celui de l’opérateur Deskeo) sont des documents très en vogue au sein des entreprises évoluant sur des plateaux ouverts, qu’ils s’agissent d’open spaces ou de surfaces plus modestes, voire simplement d’espaces de travail impliquant la présence simultanée de plusieurs personnes. Il s’agit ici à la fois de proposer un ensemble de réponses aux inquiétudes légitimes de salarié·e·s, potentiellement anxieux à l’idée de s’exposer à un risque de contamination au contact de leurs collègues et d’un environnement devenu anxiogène, mais également de répondre à des obligations sanitaires strictes, dont le non-respect peut avoir des conséquences fâcheuses pour une entreprise négligente. Cela passe par une réflexion de fond sur l’organisation de l’espace pour respecter les distanciations sociales, par une “scénarisation” des différents moments de vie au sein de l’entreprise (arrivée, départ, utilisation des espaces communs, etc.) ainsi que par une “sélection” des personnels autorisés à fréquenter les lieux en fonction des plannings, des enjeux du moment ou des rendez-vous à honorer. Bref, agir sur la densité humaine acceptable dans un espace donné. Une tâche pas si insurmontable au sein d’un open space avec par exemple la condamnation (marquage) d’un siège sur deux au sein d’un “bench” de huit places, le décalage des postes en épi pour respecter une distanciation d’au moins 1,5 mètre, voire l’ajout de “séparateurs” comme des plantes vertes.
En clair, l’organisation spatiale d’un open space à l’heure du Covid-19 n’est pas la gageure que l’on pourrait imaginer, dès lors que les choses sont faites avec organisation et méthode. Un constat qui vaut aussi pour le flex-office, avec pour seule obligation pour les utilisateurs de ne pas changer de place au cours de la journée et de procéder au nettoyage de leur poste après usage (quand bien même l’espace sera nettoyé en fin de journée par une équipe de professionnels).
Télétravail et crise économique : vraies menaces pour l’open space à moyen terme
D’ordre essentiellement fonctionnelles et logistiques, les problématiques court-termistes que soulèvent la crise sanitaire autour de l’utilisation et du fonctionnement d’un open space ou de plateaux ouverts sont donc a-priori loin d’être insurmontables. Le respect de nouvelles règles, l’adaptation à de nouveaux gestes (usage du gel hydroalcoolique, respect des distances, port du masque dans certaines situations), de nouvelles contraintes (condamnation de certaines parties communes ou de matériels partagés) et l’acquisition de nouveaux réflexes présentiels pouvant même avoir un côté ludique. Ces dispositions offrent la possibilité à chacun d’adopter une nouvelle manière d’être ne comportant pas que des désavantages (en particulier pour les personnes de nature inquiète ou claustrophobe). En réalité, la vraie menace pour l’avenir des open spaces et des espaces de travail mutualisés en général, se situe ailleurs :
Dans l’essor du télétravail
Il concernait seulement 7 % des salarié·e·s avant le confinement avant de devenir une réalité pour 30 % d’entre eux, soit plus de 8 millions de personnes (source : Anact) : le télétravail aura été un des phénomènes marquants de la période. Et assurément un des grands gagnants. Pour nombre de salarié·e·s, l’expérience du télétravail a ainsi constitué une première.
Or, passés les premiers jours, voire la première semaine pour s’adapter à ce “nouvel” environnement de travail et passée la prise en main des différents outils de communication mobilisés pour l’occasion (plateformes collaboratives et autres logiciels de visioconférences), pour pouvoir travailler efficacement, une réalité s’est faite jour au sein de nombreuses organisations : cela fonctionne ! Bien sûr, une bonne organisation en télétravail nécessite pour la personne concernée de bénéficier d’un espace physique dédié (idéalement un bureau à domicile) et d’un environnement de travail satisfaisant (pas simple à gérer en période de confinement avec des enfants en bas âge à la maison, par exemple). Mais au final, les retours d’expérience ont surtout mis en exergue que la présence au bureau chaque jour de la semaine n’était finalement pas si indispensable en soi et qu’on pouvait parfaitement assurer ses missions dans un autre contexte, en s’épargnant certaines contraintes non négligeables, au premier rang desquelles le déplacement quotidien sur son lieu de travail (avec le gain de temps, d’argent et le fait de ne pas utiliser son véhicule).
Une évidence qui n’a pas non plus échappée aux managers et a fait sensiblement évoluer les mentalités en matière de « présentiel ». En conclusion, l’expérience “contrainte et forcée” du télétravail a instillé le doute quant à l’évidence quasi gravée dans le marbre (en particulier en France) qu’un salarié devait forcément être physiquement présent au bureau pour travailler efficacement. Dans l’esprit de très nombreux observateurs, le télétravail va ainsi s’installer dans la réalité des entreprises, du moins celles pouvant se le permettre, comme une alternative crédible. Sa démocratisation autorise en outre celles-ci à libérer des espaces, voire à réduire l’utilisation de surfaces de travail coûteuses en charges et en loyers. Une réduction des coûts tout sauf accessoire dans un contexte de sérieuse récession. Un contexte propre à faire de l’entreprise, à terme, davantage un lieu de rencontres et d’échanges qu’un site de production à proprement parler.
Dans les sombres perspective économiques
Avec un recul du PIB estimé à 8,20 % en 2020 (mais qui pourrait encore augmenter d’après les experts), c’est bien un autre facteur qui pèse sur le développement des open spaces et sur celle de l’immobilier professionnel dans sa globalité : celui d’une crise économique majeure et mondialisée, consécutive à l’arrêt forcée de l’économie nationale et internationale pendant de nombreuses semaines. Et la levée du confinement n’a pas dissipé la vague de pessimisme qui règne actuellement sur l’économie nationale et mondiale, avec une reprise bien trop timide pour espérer un retour rapide à la « normalité ». Ainsi, de très nombreux secteurs (le tourisme, la restauration et l’hôtellerie, le transport aérien, l’automobile pour ne citer que les plus emblématiques) subissent de plein fouet les effets de la pandémie et dessinent un contexte économique très sombre à moyen terme.
Mais l’open space n’a pas dit son dernier mot
Dans ce contexte assez sombre, tout est-il perdu en matière d’investissement immobilier professionnel, notamment en ce qui concerne le développement des open spaces ? Bien sûr que non. De tous temps, le secteur de l’immobilier a su faire preuve de réactivité et d’adaptabilité, et cela n’est pas près de changer. Des solutions concrètes existent pour transformer les contraintes en atouts, et ainsi faire en sorte que l’open space contredise des prédictions que d’aucun émettent sans doute dans un élan un peu trop précipité. On reprochait à l’open space « ancienne version » d’être trop bruyant, trop compact et impersonnel ? L’effet de la distanciation sociale et l’ajout de modules de séparation (avec le grand retour des mini-cloisons ou parois en plexiglas) proposent notamment une réponse intéressante à ces défauts endémiques. Les récents événements vont accélérer la mutation des plateaux professionnels : réorganisation des espaces, renforcement des normes sanitaires, recours aux technologies sans contact, etc.
Même s’il accuse une baisse en termes de fréquentation, on peut d’ores et déjà miser sur le fait que l’open space pourrait sortir gagnant de la période actuelle en proposant un modèle plus sûr, plus aéré, plus opérationnel que par le passé. Réponse dans les mois à venir…
Crédit photo : Proxyclick Visitor Management System, Unsplash