Même si l’année 2020 est tout juste entrée dans sa seconde moitié, il ne fait déjà aucun doute qu’il y aura bien un avant et un après, que le monde dans lequel nous avions l’habitude de nous mouvoir jusqu’alors (avec ses avantages et ses inconvénients) ne sera plus le même désormais. Ainsi en va-t-il du monde du travail dans son ensemble, percuté de plein fouet par la crise sanitaire et qui doit aujourd’hui se réinventer en face d’un avenir aux contours encore flous. Dans ce contexte, il semble pourtant évident que certaines tendances nées durant la crise perdureront bien au-delà…
Du télétravail pour tous et pour longtemps
La nouvelle n’est pas passée inaperçue puisqu’elle émane de la première entreprise mondiale : Google vient en effet d’annoncer (le 27 juillet dernier) que les dispositions liées au télétravail seraient prolongées au sein de la firme jusqu’à… l’été 2021. Une mesure qui concerne ses 200 000 employés répartis à travers le monde. En clair, tous les salariés susceptibles de travailler depuis chez eux et qui en auront émis le désir pourront continuer de rester “at home” pendant encore au moins un an. Chez twitter, on va même plus loin puisque le réseau social a autorisé le télétravail « à vie », choisissant ainsi de faire totalement abstraction de l’évolution (et on l’espère de l’éradication) du Covid-19 dans les mois à venir.
En France, c’est le constructeur automobile PSA qui a annoncé le maintien du télétravail dans une optique de profond changement de paradigme industriel, avec en ligne de mire l’objectif de ramener à un jour et demi par semaine la moyenne de temps de présence sur site de ses collaborateurs.
Au-delà de ces cas particulier, il est clair aujourd’hui que l’expérience « à marche forcée » du télétravail initiée au mois de mars aura laissé une trace indélébile (et globalement positive) dans l’esprit de celles et ceux qui en ont fait l’expérience, et ce tant du côté salarié·e·s que de celui du managériat, avec une admirable capacité d’adaptation collective. Le télétravail est désormais sorti de la confidentialité dans laquelle il était confiné et sera une composante à part entière de la vie professionnelle d’un grand nombre de salariés dans un avenir proche.
Distanciation physique et nouveaux réflexes hygiéniques
Sur le plan des modes de vie, voire des us et coutumes en vigueur au sein des espaces de travail, il est aujourd’hui acquis que nombre de pratiques usuelles du « monde d’avant » ne perdureront pas dans celui d’après. Ainsi en va-t-il des poignées de main et des bises entre collègues, qui semblent déjà appartenir à un lointain passé et dont la disparition ne sera sans doute pas anodine sur le plan des relations sociales. À titre d’exemple, difficile de se projeter dans un monde où on ne se serre plus du tout la main, une pratique profondément ancrée dans notre culture occidentale. Dans la période de transition dans laquelle nous nous trouvons, et faute de s’être accordée sur une pratique de substitution validée par tous, cette contrainte donne parfois lieu à des moments gênants, surtout quand ceux qui n’entendent pas renoncer à cette pratique « ancestrale » se retrouvent en face de personnes ayant choisi de s’y soustraire.
En réalité, la crise sanitaire aura surtout mis en lumière notre « dilettantisme » concernant tout ce qui touchait à l’hygiène. Se laver les mains plusieurs fois par jour, être attentif aux objets et surfaces avec lesquels on est en contact, désinfecter régulièrement des objets du quotidien comme son téléphone portable, son clavier d’ordinateur ou les interrupteurs… Tout cela n’était pas forcément inscrit dans l’ADN d’une grande majorité d’entre nous jusqu’à ce qu’un certain virus vienne nous rappeler quelques règles de base en la matière, au risque de donner lieu à des comportements compulsifs inverses pouvant virer à la paranoïa hygiéniste. Le monde du travail n’échappera pas à cette nouvelle donne, d’autant plus que le bureau ou l’open space sont des lieux de vie professionnelle côtoyés par un plus grand nombre de personnes que notre sphère privée. En bref, difficile d’imaginer le monde d’aujourd’hui sans gel hydroalcoolique à portée de main. Et sans masque sur le visage pour un bon bout de temps encore…
Des espaces de travail à réinventer, des bureaux voués à muter
Le fait est que jusqu’au début de l’année 2020, le bureau individuel personnalisé était en voie, sinon de marginalisation, du moins de raréfaction au profit de bureaux partagés ou des open spaces. Un phénomène amplifié par un phénomène d’abandon des « prés carrés » réservés aux dirigeants et cadres supérieurs, porté par des hérauts comme Xaviel Niel ou Mark Zuckerberg, installés au milieu de leurs équipes comme des salariés « lambda »… Bien loin des vieux archétypes des super patrons aux bureaux spacieux comme des suites d’hôtel. Plus globalement, la tendance générale de ces dernières années était davantage à la réduction des mètres carrés par salarié qu’à leur expansion, sous l’impulsion de tendances comme le flex office. Une tendance qui s’inscrit aujourd’hui en contradiction absolue avec la nouvelle donne sanitaire et qui préfigure de longues séances de brainstorming dans tous les cabinets d’architecture d’intérieur. Comment imaginer qu’à court et moyen terme, un•e salarié•e accepte sans ciller d’occuper une place de bureau précédemment occupée par quelqu’un d’autre ?
Doit on s’attendre pour autant à un vaste mouvement de retour en arrière au profit du bureau individualisé, cloisonné, bunkerisé, dans les mois et années à venir ? A priori, non. D’une part parce que le succès du télétravail va redistribuer la donne en terme de surfaces de bureaux disponibles (tout le monde n’aura plus besoin d’être présent simultanément sur le lieu de travail) et d’autre part parce que les sites professionnels vont progressivement muter pour devenir des espaces d’échange, de partage et de connexion avec les autres, parfaitement adaptés aux nouvelles contraintes sanitaires et aux nouvelles attentes sociales des salariés. En clair, on pourrait dans les années à venir voir se démocratiser un modèle professionnel hybride où le foyer personnel serait dédié au travail et à la production individuelle tandis que l’entreprise serait réservée à l’échange et à la collaboration…
Crédit photo : Joe Taylor on Unsplash